7 erreurs en marketing

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Article déjà publié sur Forbes & X autres médias

L’art du marketing, c’est de savoir se distinguer. Or, rien de plus moutonnier que certains experts du marketing, toujours promptes à embrasser la dernière tendance, la dernière mode. Nous avons repéré 7 erreurs très agaçantes qui sont loin d’avoir fait leurs preuves et qu’il y a donc urgence à disrupter.

Bernard Jomard Ereur numéro 1 : les influenceurs mainstream

Les marketeurs aiment les gros chiffres qui épatent. Du coup, on ne s’étonnera pas que sur les réseaux sociaux, les influenceurs qui attirent le plus leur regard, et donc leur budgets marketing, soient ceux – et surtout celles – qui affichent le plus de followers. Cela a sans doute à voir avec la fameuse théorie du Nudge, ou coup de pouce, popularisée il y a quelques années dans un livre par Richard H. Thaler & R. Sunstein. Que disent-ils? En gros, que plutôt que de demander à quelqu’un directement d’agir, comme par exemple acheter un produit, c’est souvent beaucoup plus efficace de passer par un tiers – un influenceur, donc. L’erreur des marketeurs, qui ont adopté cette théorie sans toujours la connaître, est qu’elle marche surtout en politique… Normal : en politique, si on veut être élu, le seul objectif est évidemment de séduire le plus de gens possible, au moins la majorité d’entre eux. Alors que dans le business, tout est surtout question de ciblage. Si vous fabriquez des robes, il y a peu de chance que vous en vendiez à des garçons. Du coup, faire appel à une influenceur mainstream pour vendre votre soupe revient souvent à vouloir tuer une mouche avec un AK-47. Pire, il y a de fortes chances qu’avant de faire votre promotion, vous fassiez surtout la sienne. Notre conseil ? Privilégiez plutôt les nano ou micro influenceurs qui obtiendront un bien meilleur taux d’engagement. Lire Analyse Influence Marketing et influencers

François Kermoal Steve & Cie. Erreur numéro 2 : Les vidéos au format carré

Fini le format 16/9è de la télé de (jeune) papa ! Avec les réseaux sociaux, place aux vidéos au format carré ou en hauteur – comme sur Snapschat, une hérésie aux yeux des vieux briscards de l’image. Mais un indéniable succès de mode. Brut, ce média lancé par des anciens de la télé, en a fait sa signature. Avec succès : « Faites-nous du Brut », disent les clients qui veulent de la vidéo, comme on disait « faites-nous du Bref ! » il y a quelques années, en citant ce programme de Canal+. Bref, le carré à la côté, sans parler des photos Instagram, pour qui le carré est un must.

De fait, entre la vidéo « paysage » (proche du 16/9è donc) et « hauteur », popularisée par les shootings d’amateurs sur smartphones, le format carré fait surtout figure de bon compromis. Sur un écran de smartphone, il fait, aux dires des spécialistes, beaucoup mieux le job que le 16/9è. A voir, c’est le cas de la dire, car le 16/9è, qui s’apparente au format cinématographique, permet tout de même de meilleures compositions que le carré. Est-ce si difficile de tourner son Smartphone ? Si vous avez une entorse du poignet, OK, mais sinon ? D’autant que ce fameux format carré n’est pas sans nous renvoyer quelques années en arrière, du temps de la télé 4/3. Vous savez, ce poste sur lequel on pouvait poser ses photos de famille… Qui oserait aujourd’hui diffuser un match de foot en 4/3 ? On aurait l’impression de manquer une bonne partie de l’action. Bref, à force de vouloir enterrer la télé de papa, on nous sert celle de Grand Papa…

François Kermoal Erreur numéro 3: faire court

« Faites courts, hein, sinon, les gens vont décrocher ! ». C’est le genre de lubie qu’on entend dix fois par jour. Pour trouver grâce auprès de son audience, un article, une vidéo, une conférence, un discours… devraient impérativement être « courts ». Enfin, c’est ce qui se dit en boucle. Faux, archi faux !

D’abord, que signifie court ? Un jingle sonore qui fait plus de 30 secondes, c’est long… Mais un film au cinéma ? La durée d’une œuvre est donc clairement dépendante de sa nature.

Ensuite, on peut s’ennuyer grave même quand c’est court. Il suffit de regarder certains écrans publicitaires, voir certains articles. En moyenne, un spot, c’est 30 secondes, mais que c’est long parfois!

La question, vous l’avez deviné, n’est donc pas de faire court mais… intéressant. Sinon, comment expliquer le succès de la saga Harry Potter, qui doit compter quelques milliers de pages. Un vrai succès auprès des jeunes, les pires ennemis, aux dires de nos spécialistes, des formats longs. Et quid de ces séries Netflix qui s’étalent sur plusieurs saisons ? Impossible de décrocher.

De fait, quand on interroge lecteurs ou téléspectateurs, rares sont ceux qui abordent ce sujet de la durée, sauf quand ce n’est pas intéressant. C’est même tout le contraire, car quand vous êtes passionné par un sujet, une série, ce n’est jamais assez long. Inutile de vous faire un dessin: mieux vaut passer 2 heures en charmante compagnie que 20 minutes avec un(e) abruti(e) qui n’a rien à vous dire. Alors, de grâce, arrêtez de dire qu’il faut faire court. FK

Bernard Jomard Erreur numéro 4 : l’happycratie

Sois heureux, travaille et consomme. Toutes et tous percevons cette injonction permanente au bonheur, considérée comme un aboutissement. Sur Instagram, tous veulent vous faire entrer dans cette « Happycratie ». Rien de plus facile que de faire dire ce que l’on veut à une photo. Il suffit parfois de la recadrer.

Cela part de l’idée selon laquelle les personnes les plus heureuses feraient non seulement de bons citoyens conformistes et obéissants mais aussi les meilleurs salariés et surtout les meilleurs consommateurs ! Résultat, on ne compte plus les marques qui essaient de vous conditionner pour entrer dans ce fameux segment des happycrates. Le problème, c’est que cela ne marche pas partout. Les Américains, par exemple, sont plutôt de bons clients dans ce registre optimiste (« fantastic ! ») mais pas les Français, qui ont la critique et le débat chevillés au corps. Inutile d’insister, vous n’arrivez pas à les convaincre que tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Pire, ils se moqueront de votre optimisme à tout crin. Pire, à vouloir absolument augmenter leur pouvoir de jouissance, ils finissent pas se rebeller. Cherchez plutôt d’autre voies pour les séduire. Faites en sorte que ce consommateur décide par lui-même ce qui est bon pour lui. Par exemple, une marque comme Patagonia vous « vend » l’idée d’acheter moins de ses produits, parce qu’ils sont conçus pour durer longtemps. Lire Happycracie et risque de Burn Out

François Kermoal Erreur numéro 5 : l’ADN de la marque.

Le client: « Bon, elle est chouette, votre campagne de pub, mais je trouve qu’elle ne respecte pas assez l’ADN de la marque». Dans la novlangue des publicitaires et des annonceurs, l’ADN d’une marque, c’est comme la feuille de salade avec le steak dans une mauvais brasserie parisienne : on vous la sert à toutes les sauces.

L’ADN d’une marque, rappelons-le, est cette idée que certaines composantes d’une marque sont figées pour l’éternité, et qu’il ne faut surtout pas y toucher, sauf à perturber le consommateur. Et si une bonne stratégie marketing, c’était justement tout le contraire ?

D’abord, une marque n’est pas une personne, contrairement à ce que Séguéla nous a affirmé pendant des années. Et même si c’en est une, une personne a le droit de changer de coiffure, de couleur ou de marque de fringue. C’est même franchement souhaitable pour pérenniser votre couple.

Surtout, le monde, l’environnement dans lequel les marques évoluent et essaient d’émerger, leur distribution, et bien sûr les consommateurs… Tout a tellement changé ces dernières années qu’il est vraiment suicidaire de ne pas s’adapter et de ne pas remettre en question ses vieux principes. Alors que ce fameux ADN est souvent un (mauvais) prétexte pour ne rien changer, et donc ne rien faire.

Bernard Jomard Erreur numéro 6 : le « buzz word » intelligence artificielle

l’IA, ou Intelligence artificielle, est devenu un « buzz word » qui nous est servi à longueur de journée par beaucoup de marketeurs et autres leaders d’opinion, pour nous montrer qu’eux, ils maîtrisent et utilisent intensément les algorithmes et l’IA. Mais de quoi parle-t-on, en fait ? Ne devrait-on pas plutôt parler d’intelligence augmentée ou d’utilisation très intensive de data, de «dataisme » ou « infobésité ». L’Intelligence artificielle est d’abord un système fait de logiciels et d’algorithmes qui traitent des taches qui ne peuvent être traitées par l’humain pour des questions de coûts, de délais, ou de qualité. Elle permet de répertorier rapidement de très nombreux faits, actions, et engagements, d’analyser les interactions entre différentes sollicitations. Elle permet de les corréler et d’en tirer des enseignements qui déboucheront sur une réaction, une adaptation ou une prévision. Soit, et c’est déjà pas mal ! Mais faut-il pour autant lui signer un chèque en blanc ? L’IA reste une machine, capable certes d’imiter certaines fonctions dites cognitives, mais pas au point de remplacer l’être humain. La seule et vraie différence entre l’homme et l’intelligence augmentée, c’est surtout cette capacité de stockage, de masse d’informations quasiment illimitée pour les systèmes, et bien sûr la différence de puissance et rapidité de calcul. Encore que… le cerveau humain se débrouille lui aussi pas mal question rapidité.

Mais la « black box » qu’est l’intelligence artificielle, reste un outil aux biais multiples dont l’absence d’EvEolution. Biais qui risquent d’engendrer de mauvais conclusions. Faisons plutôt confiance à l’intelligence humaine. En espérant que le libre arbitre humain reprenne progressivement le dessus. Lire Tout savoir sur l Intelligence Artificielle

François Kermoal Erreur numéro 7 : les millennials

Allez, faites le test sur Google. Tapez « Millenials ». Résultat ? 74 300 000 occurrences, c’est dire si on frôle l’overdose… Les millenials, cette fameuse génération Y née entre 1978-80 et 1995-2000 est depuis quelques années déjà, la star incontournable des marketeurs, qui n’imaginent pas une campagne de pub sans les cibler. Un peu comme si dans leur esprit, « Millenials » signifiait « jeunes ». Et, c’est bien connu, quand on communique, il faut parler aux jeunes.

Et si vous abandonniez un peu ce mantra du marketing ? D’abord parce que quand on est né en 1978, ou juste après, on n’est plus tout à fait jeune (ni tout à fait vieux d’ailleurs…). Bref, depuis le temps qu’on en parle, les millenials ont eu le temps d’attraper des cheveux gris. Beaucoup d’entre eux aussi sont rentrés dans le rang, avec cuisine équipée et tout le reste. A quarante ans, on a fait une bonne partie de sa vie. Ensuite, cette fameuse génération Y n’est pas forcément la plus riche, donc la plus consommatrice. Ce serait même tout le contraire. Aux Etats-Unis, par exemple, les études montrent que cette classe d’âge qui attire les marketeurs comme un aimant est celle qui a le moins profité de la croissance ces dix dernières années. De plus, comme la population des pays développés à tendance à vieillir, il est vraiment temps de s’intéresser aux plus vieux, qui ont le plus de pouvoir d’achat. A défaut, concentrez-vous sur la génération Z, ceux nés après 1995, pour qui ces fameux millenials font déjà figure d’ancêtres.

Enfin, selon l’étude Kantar Linkedin, 89% des marketeurs pensent que les compétences requises pour leur job ont changé, et qu’ils maîtrisent de moins en moins leurs sujets. Le risque que beaucoup d’entre eux deviennent de plus en plus moutonniers « mainstream » et oublient l’indispensable originalité créative.