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Libération des entreprises, système horizontal, autonomie des salariés… Ça vous parle ? Encore peu connue, l’holacratie (ou « holacracy ») est à la fois un système de gouvernance et une méthode pour passer ce cap. L’Atelier du Laser, Biocoop Scarabée ou encore Arcadie ont fait leur révolution.
« Je n’ai aucune autorité pour te dire ce qu’il faut faire mais je suis prêt à t’aider ! ». Depuis le début de l’année, Sébastien Di Pasquale, fondateur de l’Atelier du Laser, tient ce genre de discours à ses collaborateurs. Si ces derniers recherchent parfois encore son aval, par habitude, la relation a pourtant changé : depuis le passage de l’entreprise à l’holacratie, chacun d’entre eux a autorité sur son « rôle », un ensemble de tâches bien définies.
« L’holacratie est un outil d’aide à la responsabilité et à la coopération au service de la raison d’être de l’entreprise », résume Bernard Marie Chiquet, fondateur d’IGI Partners, une agence qui diffuse cette pratique en France, en Europe et au Québec. Initiée et testée par des entrepreneurs américains entre 2001 et 2006, elle repose sur quelques principes clés (à retrouver dans la constitution) comme la responsabilisation de chaque collaborateur et l’absence de management intermédiaire.
Bernard Marie Chiquet explique : « La hiérarchie – concept hérité de Taylor et Ford – est basée sur la dualité gouverné/gouvernant. C’est le principe de base des contrats de travail. Holacracy est une autre pratique sociale basée sur l’idée d’unité : chaque personne se gère elle-même ».
« Je ne voulais pas aller vers un système pyramidal »
Face à la forte croissance de sa jeune entreprise, spécialisée dans le découpage au laser, Sébastien Di Pasquale a souhaité donner plus d’autonomie à ses collaborateurs. « Une structure sans chef, avec chacun en responsabilité, me convenait », explique l’entrepreneur. Il fait alors un choix radical : il prend du recul et laisse ses collaborateurs mener la barque pendant un an. « Mais ce changement était trop destructuré et anarchique. J’ai détruit un cadre sans proposer autre chose et les salariés l’ont mal vécu », explique-t-il avec le recul.
Après cette expérience, il visite le centre agroécologique des Amanins, explore de nouveaux modes de gouvernance comme la sociocratie et l’holacratie et découvre « La Révolution Holacracy » de Brian Roberston. « J’y ai trouvé toutes les réponses aux questions qui s’étaient posées pendant un an ! ».
TEDx « Holacracy : A Radical New Approach to Management », Brian Robertson (en anglais)
Dans l’holacratie, les patrons – comme Sébastien – cessent de donner des ordres. Le système de gouvernance repose sur une organisation en « cercles » interdépendants et auto-organisés rassemblant différents « rôles ».
Hugo Mouraret, salarié de Scarabée Biocoop témoigne : « Chez nous, le directoire impulse la stratégie générale et sert d’ancrage mais chaque cercle s’auto-gouverne au service de la raison d’être de l’organisation ». Pour Sébastien, l’effet s’est révélé radical : il a délégué une trentaine de la cinquantaine de rôles qu’il assumait, comme le recrutement ou la rémunération. « Les patrons ont une compétence business, sentent les besoins de l’organisation, et c’est, ce qui fait d’eux des dirigeants. Ils doivent se recentrer sur ce talent », explique Bernard Marie Chiquet.
Plus de clarté pour l’organisation
En holacratie, les tâches de l’organisation sont réparties en « rôles ». Chaque rôle est « énergétisé » par une seule personne, qui a le pouvoir de décision sur celui-ci. « On sait exactement qui fait quoi et est en capacité d’offrir, et qui a autorité sur quoi », explique Dorothée Cauvy, qui fait partie du cercle communication et marketing de la société Arcadie, spécialisée dans la production de plantes aromatiques et médicinales. « Chacun se recentre sur sa zone de talent », rappelle Bernard Marie Chiquet.
Cette clarification très claire des rôles permet de sortir des fonctionnements au relationnel et à l’interpersonnel. « C’est un paradoxe : ce système permet à chacun d’être lui-même. Je peux être davantage moi-même car les règles du jeu sont claires », explique Bernard Marie Chiquet.
Pendant les temps de réunion, les collaborateurs précisent avec quel rôle ils s’expriment. « Nous ne parlons pas en tant que personne mais nous disons « mon rôle en a besoin », explique Dorothée. Pas de place pour l’égo !
Mais l’holacratie ne se fait pas en un jour…
« C’est une utopie de croire que six mois suffisent pour changer sa manière de travailler, ses méthodes de travail. Il faut deux ans pour comprendre les outils, cinq ans pour que les personnes comprennent la philosophie », explique Hugo. Scarabée Biocoop, coopérative de quatre magasins, trois restaurants, un laboratoire traiteur/charcuterie, expérimente l’holacratie depuis 2014.
S’affranchir du rapport classique dirigeant/salarié est loin d’être évident. « Il faut oublier tout ce qu’on a connu précédemment ! », explique Sébastien Di Pasquale. « C’est compliqué pour les collaborateurs mais une fois qu’ils ont lâché prise, ils prennent les décisions ».
Pour passer le cap, l’Atelier du Laser a demandé au cabinet IGI Partners de l’accompagner dans l’expérimentation du nouveau système de gouvernance. Première étape : le test grandeur nature. « Pendant deux jours, nous avons piloté l’entreprise comme si l’holacratie existait déjà », explique Bernard Marie Chiquet.
Les réactions sont immédiates : un ouvrier a partagé une difficulté latente et ancienne liée à son espace de travail, a compris qu’il pouvait être acteur et a mis en place une solution. Deuxième étape : s’assurer de l’adhésion des équipes. « Après les deux jours à l’Atelier du Laser, on a eu 100% de oui ! Chaque collaborateur doit se sentir concerné par la démarche pour qu’elle fonctionne ».
Extrait de la bande dessinée « Une nouvelle technologie managériale : l’Holacracy » par Bernard Marie Chiquet.