L’adhésion par la contestation

756

Dans ma pratique de consultante, alors que j’anime un processus de planification stratégique ou que je donne une formation, il m’arrive parfois qu’en début de parcours, un ou des participants remettent en question certains des éléments proposés : que ce soit la méthode, un terme utilisé ou encore l’objectif même de la rencontre si celle-ci avait été imposée par l’organisation. Et bien, malgré l’inconfort de ces moments de remise en question, ces activités sont presque tout le temps les plus réussies.

À titre d’exemple, je donnais un cours de communication d’une semaine à Brasilia en 2017, dédiée à des hauts fonctionnaires de l’État. Bien que j’avais préalablement discuté en long et en large avec les organisateurs de l’ENAP ici et là-bas de la langue à adopter pour la formation, dès la première journée un participant me demandait pourquoi présenter les acétates en anglais et non en français !

Un long débat s’en est suivi sur le respect de la culture locale, de ma langue maternelle…mais surtout, j’ai saisi l’occasion pour évoquer la richesse interculturelle liée justement à cette difficulté de communiquer quand les langues sont différentes.

Nous en sommes venus à une entente au sein du groupe. Une entente d’accepter et d’accueillir cette difficulté linguistique comme une opportunité de mieux s’écouter, se respecter et s’entendre.

Cet échange, qui a duré près de 20 minutes, a en fait servi de base à ma pédagogie tout au long de la semaine. Si j’avais essayé de contenir le débat et que cet espace n’avait pas été créé pour que chacun puisse s’exprimer sur le sujet, qui sait quels autres éléments seraient sortis. La base de confiance aurait sans doute été compromise pour toute la durée de la semaine de cours.

Un autre exemple, plus récent celui-ci, avec un groupe de haut-fonctionnaires du Mali.

J’ai proposé les règles du cours, comme je le fais toujours en début de présentation. En gros c’est généralement accepté sans discussion. Il s’agit d’Écouter avec attention, parler avec intention et bienveillance, agir avec respect, faire preuve d’ouverture.

Le premier des accord est formulé ainsi : « Que ta parole soit impeccable ». Un premier participant me demande ce que cela signifie. Je lui explique que c’est en lien avec l’intégrité envers soi et les autres. S’ensuit une série de questionnements sur le terme « impeccable » trop associé selon les participants à la quête de perfection, à une évaluation qui serait objective de cette parole… voire d’une objectivité difficile à atteindre. »

Tous ces sujets sont abordés dans mon cours. Cela m’a permis d’introduire ma posture par rapport à l’objectivité, de dire que la bienveillance est de mise pour construire des relations authentiques et créer la confiance nécessaire pour générer des communications efficaces, etc, etc.

Ce fut un échange emballant et j’ai senti par la suite que la parole était déliée. J’avais donné le signal aux participants que leur opinion avait de la valeur, que leurs connaissances serviraient à construire avec eux ce cours. Tellement que nous avons modifié ensemble l’entente sur nos règles communes.

Voici la formulation sur laquelle nous nous étions entendu:  » Que ta parole soit sincère et respectueuse ». Personnellement, je crois que c’est bien mieux. Je vais sans doute l’utiliser à l’avenir !

Tout cela pour dire que sans cette ouverture à la contestation au débat et à la différence, la richesse des échanges ne produirait pas ce qu’on appelle « l’intelligence collective ».

Je souhaites donc à tout consultant de vivre ce malaise et d’arriver à un terrain d’entente « négocié » avec ses participants.

Qu’en pensez-vous ?

Référence : Les accords Toltèques (Miguel Ruiz):

  • Que votre parole soit impeccable.
  • N’en faites jamais une affaire personnelle.
  • Ne faites aucune supposition.
  • Faites toujours de votre mieux.
  • Soyez critique, mais apprenez à écouter.