Lorsque j’aborde un nouveau mandat en entreprise, j’utilise une approche qui favorise le partage de points de vue et l’acceptation de leur diversité. Il s’agit de réunir les principaux leaders de l’organisation et les personnes, tant à l’interne qu’à l’externe, qui peuvent et souhaitent contribuer à l’enrichissement de la réflexion stratégique. À cette étape, toutes les opinions valent l’effort d’être écoutées.
L’éthique du dialogue (Habermas,1992) que j’utilise repose sur le principe que toute divergence d’opinion contient un grand potentiel d’apprentissage, notamment par la construction d’un langage commun. Celle-ci participe à son tour au renforcement et au développement d’une communauté de pensée et de pratique, à l’esprit d’équipe et de groupe essentiels à la réussite et à l’atteinte des objectifs de l’organisation.
Mais le choc des idées peut être inconfortable : il implique parfois des manifestations d’impatience, de confusion, de frustration, d’exaspération et même de colère. Si ces moments de tensions sont délicats, ils ne doivent pas être évités. Le groupe doit apprendre à faire preuve d’empathie, de patience et d’écoute. Pour cela, l’importance du travail de l’accompagnatrice demeure cruciale. Ce rôle consiste à agir comme gardienne des conditions d’exercice du dialogue (Patenaude, 1997). Mon rôle d’accompagnatrice vient avec une responsabilité qui consiste à transmettre au groupe des compétences comme l’écoute, l’empathie et l’altérité.
L’écoute active est une technique qui consiste à reformuler et valider la bonne compréhension des diverses opinions et s’assurer que chacun sent qu’il est compris et que son opinion est valorisée.
L’empathie est une aptitude psychologique et sociale qui permet de comprendre l’autre parce que nous partageons la même humanité que lui. Par ce partage, il est possible de percevoir les états affectifs et mentaux d’autrui (sentiment, émotion, raison).
Voisine de l’empathie, l’altérité est définie comme la capacité de reconnaître l’autre comme étant différent de soi tout en accueillant cette différence avec bienveillance. L’actualisation des compétences éthiques permet de « suspendre son jugement » (Bohm, 1996) pour comprendre sans juger.
Je maitrise plusieurs techniques permettant la mise en place de processus participatifs. La finalité des processus participatifs est d’engager les parties intéressées dans une démarche d’apprentissage visant à faire un passage entre une pensée individuelle et compétitive vers un esprit collectif, complexe et orienté vers la co-construction. Co-construire permet l’émergence de l’intelligence collective.
Très souvent, les intervenants engagent les participants dans des démarches faisant appel à leur créativité. Ces processus ont l’avantage de sortir des schémas mentaux habituels qui peuvent limiter l’accès à des solutions novatrices. Par contre, si le design de la démarche n’a pas prévu l’atterrissage vers un plan d’actions, les participants risquent alors d’avoir l’impression d’avoir perdu leur temps. Le processus de changement doit être immédiatement enclenché par la démarche elle-même. De plus, les plan d’actions doivent demeurer réalistes et chacun doit avoir conscience du temps requis pour l’obtention des résultats. Il ne faut pas confondre les souhaits de l’organisation avec les objectifs mesurables qui feront partie du plan d’actions.
Les processus participatifs permettent aux acteurs d’aller au-delà des préjugés, de transcender la pensée conventionnelle et de canaliser les efforts vers la co-construction de solutions communes (Kaner, 2007). Il s’agit de procédures d’animation de groupes comme le world café, le forum ouvert ou les dialogues pairés. Pour se familiariser avec ces techniques, se référer à l’ouvrage de Peggy Holman (2007),The change Handbook Dans une volonté de démocratisation, les processus participatifs rendent chaque acteur décideur, dans la mesure où il s’engage, même minimalement, dans une recherche collective des meilleures décisions dans les circonstances (Segers, 2014; Legaut, 1999).
Ces procédures sont des moyens techniques servant à accompagner le dialogue.
La co-construction ou co-création unit le dialogue aux processus participatifs. Il est un indicateur de partage de sens, de volonté, de coopération, de collaboration dans l’action, d’écoute active et de dialogue.
Références : Récit praxéologique : une approche éthique pour accompagner les transformations socioécologiques, Ian Segers. vol. 20, n° 2 | 2018 : Les défis éthiques des déterminants sociaux de la santé